Page:Charles Perrault - Oeuvres choisies, édition 1826.djvu/282

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saint prêtre irlandais nommé Gerbern, qui avait été confesseur de la défunte reine, et qui avait baptisé la princesse. Le prêtre lui conseilla de gagner du tems, afin de trouver moyen de s’enfuir, et s’offrit de l’accompagner. Elle dit donc à son père qu’avant de l’épouser elle désirait pour se parer le jour de son mariage plusieurs joyaux précieux, qu’elle croyait impossibles à trouver, et promit de lui donner sa main aussitôt qu’il aurait rassemblé ce qu’elle voulait. Le roi fit partir sur-le-champ des hommes de confiance à la recherche de ce qu’exigeait sa fille ; car il en était de plus en plus éperdument amoureux.

On avait déjà apporté à la princesse la plupart des objets rares qu’elle avait désignés ; elle était au désespoir, quand une occasion de s’enfuir se présenta. Dipne saisit l’instant favorable ; elle s’embarqua secrètement avec le prêtre Gerbern, et après un heureux trajet, ils arrivèrent à Anvers. De là, ils prirent des chemins écartés, se firent bâtir à quelques lieues une cabane dans un petit bois, où ils vécurent seuls et inconnus.

Cependant, le lendemain de leur départ, le roi ayant reçu encore quelques-uns des bijoux demandés par sa fille, les lui portait tout joyeux, lorsqu’il apprit qu’elle s’était évadée. Il entra en fureur, s’embarqua aussitôt, et résolut de ne s’arrêter que quand il aurait retrouvé sa fille.

Après l’avoir cherchée quelque tems en vain, il arriva à Anvers, où il fit un petit séjour, pendant que ses gens furetaient le pays. Quelques-uns de ses serviteurs ayant dîné dans un village, payèrent l’aubergiste en monnaie d’Irlande. L’aubergiste leur dit qu’il avait déjà reçu tout récemment de cette même monnaie. Ils lui demandèrent qui la lui avait donnée ; et cet homme répondit que c’était une belle demoiselle étrangère, qui vivait tout près de là avec un prêtre