Page:Charles Perrault - Oeuvres choisies, édition 1826.djvu/293

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Toujours sous la terre cachée ;
Et lorsque vous voudrez l’ouvrir,
À peine mon bâton la terre aura touchée,
Qu’aussitôt à vos yeux elle viendra s’offrir.
Pour vous rendre méconnaissable,
La dépouille de l’âne est un masque admirable :
Cachez-vous bien dans cette peau ;
On ne croira jamais, tant elle est effroyable,
Qu’elle renferme rien de beau.

La princesse, ainsi travestie,
De chez la sage fée à peine fut sortie
Pendant la fraîcheur du matin,
Que le prince, qui pour la fête
De son heureux hymen s’apprête,
Apprend, tout effrayé, son funeste destin.
Il n’est point de maison, de chemin, d’avenue,
Qu’on ne parcoure promptement ;
Mais on s’agite vainement,
On ne peut deviner ce qu’elle est devenue.
Partout se répandit un triste et noir chagrin ;
Plus de noces, plus de festin,
Plus de tartes, plus de dragées :
Les dames de la cour, toutes découragées,
N’en dînèrent point la plupart ;
Mais du curé, surtout, la tristesse fut grande,
Car il en déjeûna fort tard,
Et, qui pis est, n’eut point d’offrande.

L’infante cependant poursuivait son chemin,
Le visage couvert d’une vilaine crasse ;
À tout passant elle tendait la main,
Et tâchait, pour servir, de trouver une place ;