Page:Charles Perrault - Oeuvres choisies, édition 1826.djvu/405

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Que jamais d’un burin, quoiqu’en la main des dieux,
Le langage muet ne saurait dire aux yeux
Ce fameux bouclier, dans un siècle plus sage,
Eût été plus correct et moins chargé d’ouvrage.
Ton génie, abondant en ses descriptions,
Ne t’aurait pas permis tant de digressions,
Et, modérant l’excès de tes allégories,
Eût encor retranché cent doctes rêveries,
Où ton esprit s’égare et prend de tels essors,
Qu’Horace te fait grâce en disant que tu dors.

Ménandre, j’en conviens, eut un rare génie,
Et pour plaire au théâtre une adresse infinie.
Virgile, j’y consens, mérite des autels.
Ovide est digne encor des honneurs immortels.
Mais ces rares auteurs, qu’aujourd’hui l’on adore,
Étaient-ils adorés quand ils vivaient encore ?
Écoutons Martial Ménandre, esprit charmant,
Fut du théâtre grec applaudi rarement ;
Virgile vit les vers d’Ennius le bonhomme,
Lus, chéris, estimés des connaisseurs de Rome,
Pendant qu’avec langueur on écoutait les siens,
Tant on est amoureux des auteurs anciens ;
Et malgré la douceur de sa veine divine,
Ovide était connu de sa seule Corine,
Ce n’est qu’avec le temps que leur nom s’accroissant,
Et toujours, plus fameux, d’âge en âge passant,
À la fin s’est acquis cette gloire éclatante,
Qui de tant de degrés a passé leur attente.

Tel, à fois épandus, un fleuve impétueux,