Page:Charles de Brosses - Lettres familières écrites d’Italie - ed Poulet-Malassis 1858.djvu/103

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— 77 — •


nous plaindre, et à retrouver que c'était trop fort de faire cent milles et dépenser vingt-cinq sequins, pour voir une bagatellS à peindre sur un écran. La violence du vent avait grande part à ces murmures ; mes trois cama- rades se firent porter en terre ferme par le plus court chemin. Pour moi, je restai dans la barque, et j'en fus quitte pour être bercé d'importance, et bien mouillé par une poussière fine et humide que la bise élevait des vagues ; mais aussi je n'eus pas une route à faire à pied entre les rochers, au milieu du mois de juillet, par le soleil d'Italie. Nous nous rejoignîmes au bout de peu de temps, et, repassant sur nos traces, nous arrivâmes ici, pas un de nous ne voulant maintenant pour beaucoup n'avoir pas vu les îles en question. Cette variété de senti- ments vous est rapportée en cette occasion, pour en faire une application générale à toutes les autres. Quand on a de la peine, on enrage d'être venu ; quand on a un moment de plaisir, on ne songe plus à la peine, et ainsi alternati- vement. Mais, me direz-vous, duquel a-t-on le plus, du plaisir ou de la peine ? Ma foi ! cela seroit bien égal, si ce n'est que la peine finie s'efface absolument de la mémoire, au lieu que le plaisir dont on a joui occupe toujours agréa- blement. Bref, me voilà de retour à Milan pour en re- partir dans deux jours à mon grand regret ; car les Milanais sont les meilleures gens de l'Italie, si je ne me trompe, pleins de prévenance et qui nous ont traité avec toutes sortes de bonnes manières : leurs mœurs ne diffè- rent presque en rien de celles des Français.


Savez-vous bien que j'ai des compliments à vous faire d'un habitant de Milan ? L'autre jour, dans une assem- blée, un grand homme bien fait m'aborde. Ah ! monsieur, vous êtes Dijonnais, faites-moi la grâce de me dire des nouvelles de mesdames de Blancey et de Quintin ; et le gros Blancey, comment se porte-t-il ? faites-moi le plaisir, si vous écrivez à Blancey, de l'assurer de mon obéissance, et ces dames de mon respect très-humble. J'ai reçu d'elles des politesses infinies pendant un hiver que j'ai passé à Dijon, et j'ai eu l'honneur de les voir chez MM. de Tessé et de Montrevel, à Tournas, où je demeure. Ce Mon- sieur se nomme M. de Laforest. Il est arrêté ici depuis longtemps par une galanterie ; et en faveur de la bonne guigne de Blancey, il m'a fait présent de vin de Bourgogne,