Page:Charles de Brosses - Lettres familières écrites d’Italie - ed Poulet-Malassis 1858.djvu/187

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Saint-Dominique, qu’on vante beaucoup et qui ne me plaît guère. J’en dis autant de la chapelle fameuse ou repose le corps du saint fondateur, dans une tombe de marbre blanc accompagnée de statues, dont une de Michel-Ange (1). Il faut encore bien d’autres mystères pour voir le bon père Jacobin qui dort là-dedans, que pour voir la Madone ; on ne le montre qu’en présence du sénat assemblé et de la garde suisse sous les armes. Le couvent des Dominicains est beau. On fait un grand éloge de leur bibliothèque ; le vestibule, à la vérité, en est magnifique, le vaisseau passable ; quant aux livres, au diable si j’y en ai aperçu un bon. Us ont, disent-ils, un manuscrit écrit de la main d’Esdras. Celui-ci regarde l’évangile de Saint-Marc, que prônent les Vénitiens, comme une jeune barbe ; mais on le montre encore moins que le corps de saint Dominique.


Je ne sais pourquoi les couvents de Bologne passent pour les plus beaux de l’Italie ; c’est une injustice manifeste que l’on fait à ceux de Milan, qui valent au moins ceux-ci ; à l’exception toutefois de celui de San-Michele in Bosco hors de la ville, dont on ne peut dire assez de bien, ne fût-ce que pour son admirable situation sur le premier coteau de l’Apennin. Du haut d’une terrasse qui fait l’entrée de la maison, on plonge à vue d’oiseau sur toute la ville bâtie au pied du coteau, et l’on découvre d’un côté des montagnes chargées de bois, et de l’autre, les plaines de Lombnrdie unies comme la mer. L’intérieur du couvent est bâti et orné au mieux, surtout par une cour en colonnade, d’une manière excellente,dont les murs sont tous peints de la main des Carraches et du Guide. Malheureusement ces peintures se gâtent tous les jours si fort, qu’à peine ont-elles maintenant encore cinquante ans à vivre. J’y ai aussi remarqué les cloîtres de l’orangerie, le grand bâtiment où logent les étrangers, le vaisseau de la bibliothèque, beau, bien orné, accompagné de deux magnifiques salons et meublé de bons livres, et enfin, dans l’église, des stalles en bois de rapport, mieux travaillées encore qu’aucunes de celles qu’on m’a fait admirer jusqu’ici.


[i) Il est douteux que celle statue soit de Michel-Ange.