Page:Charles de Brosses - Lettres familières écrites d’Italie - ed Poulet-Malassis 1858.djvu/234

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et de mérite. Nul autre peuple d’Italie n’égale les Florentins à cet égard ; ce sont même eux qui en fournissent souvent les autres conlrées. Ajoutez à ceci que j’y ai gagné au jeu quelques centaines de louis, ce qui devroit encore me mettre en bonne humeur ; mais la première base de la gaieté c’est la santé.


La littérature, la philosophie, les mathématiques et les arts, sont encore aujourd’hui extrêmement cultivés dans cette ville. Je l’ai trouvée remplie de gens de lettres, soit parmi les personnes de qualité, soit parmi les littérateurs de profession. Non seulement ils sont fort au fait de la littérature dans leur propre pays, mais ils m’ont paru instruits de celle de France et d’Angleterre. Ils font surtout cas des gens dont les recheixhes ont pour but quelque utilité publique protî table à toute la nation ; et j’ai vu que, parmi nos savans, ceux dont ils parlent avec le plus d’estime étoient l’abbé de Saint-Pierre pour la morale, et Réaumur pour la physique et les arts. Il faut avouer que les Florentins ont plus de facilité pour cultiver les lettres qu’aucun autre peuple de l’Italie ; ils sont aisés dans leur fortune ; ils ont du loisir ; ils n’ont ni militaire ni intrigue, ni affaires d’Etat. Toutes leurs occupations doivent donc se réduire au commerce ou à l’étude ; et à ce dernier égard les habitants de Florence ne peuvent manquer de se ressentir de toutes les commodités qu’on y a rassemblées pour eux pendant plusieurs siècles, principalement en monuments de l’antique, bibliothèques et manuscrits. Je suis assez occupé à coUationner le texte de Salluste sur plus de vingt manuscrits qui se trouvent dans la bibliothèque de Médicis, et sur une dizaine d’autres répandus ça et là. J’en userai de même au Vatican ; après quoi je pourrai croire d’avoir ce Salluste aussi correct qu’on puisse l’avoir. J’ai donné commission d’en faire autant sur les manuscrits de Suétone, qui en a infiment plus besoin, et qui est indéchiffrable en quelques endroits. Je cherche aussi à ramasser ou à prendre la notice de tous les monuments antiques qui ont un rapport direct à l’un et l’autre de ces auteurs. C’est avec des statues, des bas-reliefs et des médailles du temps que l’on, fait de bonnes notes aux historiens. Je veux surtout rassembler, autant qu’il sera possible, les portraits des principaux personnages : il me semble qu’un lecteur s’intéresse davantage aux gens qu’il connaît de vue.