Page:Charles de Brosses - Lettres familières écrites d’Italie - ed Poulet-Malassis 1858.djvu/80

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n’en comptent qu’une pour cinq lieues et tantôt deux pour une lieue. Au surplus, elles sont parfaitement bien servies. (La plupart de ces idées-ci ne sont pas bien justes ; je m’en suis retracté ailleurs. Le prix des postes varis selon les différentes souverainetés. Elles sont d’un prix modique dans les États du Pape et excessif en Lombardie et en Piémont. En général, c’est toujours la voiture dont il se faut servir, et se munir d’un livre de poste pour prévenir la friponnerie des maîtres qui trompent les étrangers tant qu’ils peuvent. Il y a des endroits où les postes se divisent par quart et par trois quarts, manière de compter que nous ne connaissons point en France. On nous faisoit toujours payer le complet. On n’a la cambiatura que fort difficilement et par l’autorité du gouverneur ; moyennant quoi les maîtres de postes, enragés d’un pareil ordre qui les oblige de fournir des chevaux aux deux tiers du prix de la poste, font mille chicanes aux voyageurs et les désolent en route. En général, on a tant de mal et de sujets d’impatience dans un long voyage, qu’il ne faut pas se donner encore l’embarras des petites économies. Il est dur d’être dupe, à la vérité ; mais pour le soulagement de l’amour-propre, il faut se dire à soi-même avec flegme, qu’on ne l’est que volontairement et par paresse de se mettre en colère. De nouveaux renseignements sur les vetturini me portent à vous conseiller de ne jamais vous en servir : c’est une race abominable ; outre que, selon leurs règlements, il ne leur est permis de mener que les étrangers qui ont séjourné trois jours dans la ville.)


De Gênes nous allâmes à Campo-Marone, poste et demie fort courte ; mais qui, par l’extrême rudesse du chemin, me parut bien longue, quoique toute garnie de belles maisons. C’est une plaine où l’on ne voit pas la moindre petite trace de route ; ce ne sont que cailloux et morceaux de rochers gros comme la tête. Il semble qu’Hercule en ait fait pleuvoir assez dans ce lieu, comme à la Crau en Provence, pour couvrir le pays d’un pied d’épaisseur. Les rochers qu’on trouve ensuite jusqu’à Voltaggio (deux autres postes), tout secouants qu’ils sont, ne le sont pas autant que cette horrible plaine. Encore les chaises d’Italie, sans ressorts, sont-elles moins des chaises qu’une invention honnête pour rouer les voyageurs ; aussi arrivâmes-nous sur les frontières du Milanez plus