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vous l’envoie. Voilà tout ce que c’est. À bon compte, je vous conseille fort de sauter à pieds joints sur tout ce qui vous ennuiera.


LETTRE IX

À M. DE BLANCEY


Séjour à Milan. — Course aux Îles Borromées.
Milan, 16 juillet.


Autant que j’ai pu juger de Milan à le voir, tant du haut du Dôme que dessus les tours de la citadelle, cette ville n’est pas moins grande que la plus grande partie des deux parties de Paris. Les rues sont larges et les maisons mal bâties pour la plupart. Je n’y ai vu ni églises, ni palais d’une architecture qui m’ait pleinement satisfait.

Cette ville est d’un grand commerce, quoique sans rivière. On y fabrique, entre autres, beaucoup d’ouvrages de pierres orientales et de cristal de roche. J’en ai vu des morceaux plus gros que votre tête ; mais il n’y en a guère qui soient bien nets et sans fêlure. Le peuple y est fort contrefait. On ne trouve par les rues que borgnes, bossus, boiteux, goitreux. Les dames du peuple se coiffent comme je voudrois que nos femmes se coiffassent : c’est-à-dire nue-tête en cheveux d’abbés. Il y a beaucoup de carrosses fort dorés et fort mal fabriqués. Je trouvai original un carrosse de deuil drapé de noir et l’impériale blanche. La façon de se promener est de s’en aller au Cours, de s’arrêter dans son carrosse et de causer d’une portière à l’autre, sans cheminer du tout. Les femmes ne vont guère avec les femmes ; mais on voit souvent une femme avec un ou plusieurs hommes, du nombre desquels le mari n’est jamais.

Les pigeons et les glaces sont un vivre admirable ici. Deux choses qui m’ont réjoui au possible, la première fois que je les ai vues, ont été, en Provence, de voir des