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NOTICE.

pas, comme elle le mérite, ce cœur du petit Lord trop léger ; deux larmes brillent dans ses yeux en le confessant, et pourtant elle préfère ! La lettre xvi offre, entre la mère et la fille, une de ces scènes, comme les Lettres Neuchàteloises en peuvent faire augurer. Les derniers accents s’élèvent :


« … Nos paroles ont fini là, écrit la mère, mais non pas nos pensées… Les intervalles d’inquiétude sont remplis par l’ennui. Quelquefois je me repose et je me remonte en faisant un tour de promenade avec ma fille, ou bien comme aujourd’hui en m’asseyant seule vis-à-vis d’une fenêtre ouverte qui donne sur le lac. Je vous remercie, montagnes, neige, soleil, de tout le plaisir que vous me faites. Je vous remercie, Auteur de tout ce que je vois, d’avoir voulu que ces choses fussent si agréables à voir. Elles ont un autre but que de me plaire. Des lois, auxquelles tient la conservation de l’univers, font tomber cette neige et luire ce soleil. En la fondant, il produira des torrents, des cascades, et il colorera ces cascades comme un arc-en-ciel. Ces choses sont les mêmes là où il n’y a point d’yeux pour les voir ; mais, en même temps qu’elles sont nécessaires, elles sont belles. Leur variété aussi est nécessaire, mais elle n’en est pas moins agréable, et n’en prolonge pas moins mon plaisir. Beautés frappantes et aimables de la nature ! tous les jours mes yeux vous admirent, tous les jours vous vous faites sentir à mon cœur ! »


Le petit Lord a un parent, une espèce de gouverneur, bien différent de lui, et qu’un sérieux prématuré, une tristesse mystérieuse environne. C’est dans la confidence qu’il fait à la mère de Cécile qu’apparaît Caliste. Il aimait dans son pays, il aime toujours Caliste, et celle-ci, créature adorable, l’aimait également ; mais elle avait monté