Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/169

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témoigna son inquiétude là-dessus. Dans cette même lettre, elle me parlait de quelques nouvelles connaissances qu’elle avait faites chez l’oncle de milord L***, et qui toutes parlaient d’aller à Bath. — Il serait affreux, ajouta-t-elle, d’y voir tout le monde, excepté la seule personne du monde que je souhaite de voir. Heureusement (alors du moins je croyais pouvoir dire que c’était heureusement) mon père, curieux peut-être dans le fond de l’âme de connaître celle qu’il rejetait, d’entendre parler d’elle avec certitude et avec quelque détail, peut-être aussi pour continuer à vivre avec moi sans qu’il m’en coûtât aucun sacrifice, peut-être aussi pour rendre mon séjour à Bath moins étrange, car tant de motifs peuvent se réunir dans une seule intention, mon père, dis-je, annonça qu’il passerait quelques mois à Bath. J’eus peine à lui cacher mon extrême joie. Ah ! Ciel, disais-je en moi-même, si je pouvais tout réunir, mon père, mes devoirs, Caliste, son bonheur et le mien ! Mais à peine le projet de mon père fut-il connu, qu’une femme, veuve depuis dix-huit mois d’un de nos parents, lui écrivit que, désirant d’aller à Bath avec son fils, enfant de neuf à dix ans, elle le priait de prendre une maison où ils pussent demeurer ensemble. Les idées de mon père me parurent dérangées par cette proposition, sans que je pusse démêler si elle lui était agréable ou désagréable. Quoi qu’il en soit, il ne pouvait que l’accepter, et je fus envoyé à Bath pour arranger un logement pour mon père, pour cette cousine que je ne connaissais pas, pour son fils et pour moi. Caliste y était déjà revenue. Charmée de faire quelque chose avec moi, elle dirigea et partagea mes soins avec un zèle digne d’un autre objet, et, quand mon père et lady Betty B. arrivèrent, ils admirèrent dans tout ce qu’ils voyaient autour d’eux une élégance, un goût qu’ils n’avaient vu, disaient-ils, nulle part, et me témoignèrent une reconnaissance qui ne m’était pas due. Caliste, dans cette occasion, avait