Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/174

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devaient être placées des lampes d’une forme antique et des vases de porcelaine. Ce travail nous occupait tous, et, si l’enfant seul était content, tout le monde était amusé. Surpris moi-même de l’effet quand l’appartement fut arrangé, et trouvant qu’elle n’avait jamais eu autant d’activité ni d’invention, j’eus la cruauté de lui demander si c’était pour rendre à M. M*** sa maison plus agréable. — Ingrat ! dit-elle. — Oui, m’écriai-je, vous avez raison, je suis un ingrat ; mais aussi qui pourrait voir sans humeur des talents, dont on ne jouit plus seul, se déployer tous les jours d’une façon plus brillante ? — C’est bien, dit-elle, de leur part le chant du cygne. On entendit heurter à la porte. — Préparez-vous à voir, dit le petit Harry, comme s’il avait entendu finesse, notre éternel M de Norfolk. C’était lui en effet.

Nous menâmes encore quelques jours la même vie, mais ce n’était pas l’intention de mon rival de partager toujours Caliste avec un enfant et moi. Il vint lui dire un matin que, d’après ce qu’il avait appris d’elle par le général D*** et le public, mais surtout d’après ce qu’il en voyait lui-même, il était résolu à suivre le penchant de son cœur et à lui offrir sa main et sa fortune. — Je vais, dit-il, prendre une connaissance exacte de mes affaires, afin de pouvoir vous en rendre compte. Je veux que votre ami, votre protecteur, à qui je dois le bonheur de vous connaître, examine et juge avec vous si mes offres sont dignes d’être acceptées ; mais, quand vous aurez tout examiné, vous êtes trop généreuse pour me faire attendre une réponse décisive, et si je vous trouvais ensemble il ne faudrait que quelques moments pour décider de mon sort. — Je voudrais être moi-même plus digne de vos offres, lui dit Caliste, aussi troublée que si elle ne s’était pas attendue à sa déclaration ; allez, monsieur, je sens tout l’honneur que vous me faites. J’examinerai avec moi-même si je dois l’accepter, et, après votre retour, je serai