Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/334

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peu supportables que les amphigouriques, outrés et vils éloges que souvent on leur prodigue, et la prose qu’on dissèque ne vaut pas mieux que les vers que l’on cite. Quoique ce soit moi qui abonne, c’est M. de Ch. qui lit. — Dieu me pardonne ! aurait dit un certain vieux M. Lucadon, il a lu tous les volumes de certains discours… M. Lucadon était couché avec un de ses amis dans une auberge pendant un effroyable orage ; d’autres hommes de sa même compagnie occupaient un autre lit. — Dieu me pardonne, dit-il tout bas à son ami, je crois qu’ils prient !… Qu’ils sont enflés et pathétiques (ces discours) ! J’en ai lu dix moitiés de page au moins ; ainsi vous ne m’accuserez pas, comme à propos des Opinions religieuses, de juger sur la couverture du livre. Des sectateurs zélés de la religion catholique opposent à ce prédicateur protestant que leur foi est plus poétique, plus favorable aux arts. — Mon Dieu, qu’un sujet très grave peut devenir plaisant !…

Vous n’avez donc eu aucun tort, aucune négligence pour le mariage rompu ni pour les Finck… Quand nous aurons pris un parti, je vous le manderai, et vous verrez ce que vous pouvez et voulez faire. Je vous tends bien franchement la main ; la griffe s’éloigne, la douce patte ne se présente pas, elle sent l’hypocrite saint homme de chat. Adieu.

P. S. Hier madame S***, voyant le plaisir que m’avait fait votre lettre et celui que vous avait fait la mienne, dit : Il est des nœuds secrets. Certains fils, ajouta-t-elle, sont fins et deviennent imperceptibles, cependant ils ne rompent pas. On les retrouve dans l’occasion. Je lui dis que je vous régalerais de ce propos et de l’à-propos. Voici une lettre toute pliée et avec son adresse, que je rouvre deux fois le jour pour ajouter quelques mots en dedans, en dehors, entre les lignes, — partout… Vous croyez peut-être qu’après tant de bavardage j’ai tout dit. Oh ! non… Vous demandez si je porte ma belle robe noire.