Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/344

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voyager : vos lettres ne m’ont atteinte que fort tard, et voilà que j’ai manqué l’Inconsolable[1], et ne puis que prendre sa place par mes regrets. — Je vous ai écrit en route ; avez-vous reçu ma lettre ? — Je reviens à Lausanne à la fin de ce mois. Je voudrais bien que votre comédie y revînt aussi ; je n’aurais pas tant perdu par la fantaisie de cette petite course. A mon retour, je ne m’occuperai pas d’autre chose que de rassembler Le Noble, Mistriss Henley et les Lettres Neuchâteloises[2]. — Mais, en vérité, vous me traitez trop sévèrement pour le tort de les avoir gardés — Je ne m’explique pas autrement ce billet signé, daté de l’année, et tout-à-fait sec sur Zuhna. Je voudrais bien me flatter que vous avez un peu d’humeur contre moi de ce que je ne m’établirai pas à Neuchâtel, depuis qu’on en renvoie les émigrés. — Mais dites-moi, je vous prie, si vous aviez eu des amis en France, qu’ils fussent proscrits, ruinés, que votre maison fût leur seul asile, matériellement parlant, si vous iriez jouir seule du peu de bien qui vous reste, tandis que vous les sauriez traînant ailleurs une vie plus affreuse que celle d’aucun criminel. — Au reste, vous n’avez peut-être pensé à rien de tout cela, et vous m’avez écrit une lettre sèche, simplement parce que vous étiez ennuyée de moi. — S’il vous prend quelques remords, et que vous ayez envie de me faire lire l’Inconsolable, c’est à Lausanne qu’il faut tout m’adresser ; j’y retourne à la fin de ce mois. — Les nouvelles que j’ai de ma mère me rappellent malheureusement auprès d’elle. — Adieu, madame ; moi, je suis décidée à ne pas signer. Adieu.



  1. Une comédie de madame de Charrière.
  2. Ouvrages de madame de Charrière que celle-ci avait prêtés à madame de Staël.