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DE LAUSANNE.

tailler davantage. Ce privilège de la noblesse, qui ne consisterait précisément que dans une obligation de plus, et plus stricte et plus intimement sentie ; qui parlerait au jeune homme plus haut que sa conscience, et le rendrait scrupuleux malgré sa fougue ; au vieillard, et lui donnerait du courage malgré sa faiblesse : ce privilège, dis-je, m’enchante, m’attache et me séduit. Je ne puis souffrir que cette classe, idéale peut-être, de la société, soit négligée par le souverain, qu’on la laisse oubliée dans l’oisiveté et dans la misère ; car si elle s’enrichit par un mariage d’argent, par le commerce, par des spéculations de finance, ce n’est plus cela : la noblesse devient roturière, ou, pour parler plus juste, ma chimère s’évanouit.


TROISIÈME LETTRE.


Si j’étais roi, je ne sais pas si je serais juste, quoique je voulusse l’être ; mais voici assurément ce que je ferais. Je ferais un dénombrement bien exact de toute la noblesse chapitrale de mon pays. Je donnerais à ces nobles quelque distinction peu brillante, mais bien marquée, et je n’introduirais personne dans cette classe d’élite. Je me chargerais de leurs enfants quand ils en auraient plus de trois. J’assignerais une pension à tous les chefs de famille quand ils seraient tombés dans la misère, comme le roi d’Angleterre en donne une aux pairs en décadence. Je formerais une seconde classe des officiers qui seraient parvenus à certains grades, de leurs enfants, de ceux qui auraient occupé certains emplois, etc. Dans chaque province cette classe serait libre de s’agréger tel ou tel homme qui se serait distingué par quoique bonne action, un gentilhomme étranger, un riche négociant, l’auteur de quelque invention utile. Le peuple se nommerait des re-