Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/77

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" les filles feraient entrer dans la classe noble, non les gens de plus de mérite, mais les plus beaux. " les filles dépendraient de leurs parents comme aujourd’hui ; et, quand il arriverait qu’elles ennobliraient de temps en temps un homme qui n’aurait de mérite que sa figure, quel grand mal y aurait-il ? Leurs enfants en seraient plus beaux, la noblesse se verrait rembellie. Un seigneur espagnol dit un jour à mon père : si vous rencontrez à Madrid un homme bien laid, petit, faible, malsain, soyez sûr que c’est un grand d’Espagne. Une plaisanterie et une exagération ne sont pas un argument ; mais votre mari conviendra bien qu’il y a par tout pays quelque fondement au discours de l’espagnol. Revenons à sa liste d’inconvénients.

" Un gentilhomme aimerait une fille de la seconde classe, belle, vertueuse, et il ne pourrait l’épouser. " pardonnez-moi, il l’épouserait. " mais il s’avilirait. " non, tout le monde applaudirait au sacrifice. Et ne pourrait-il pas remonter au-dessus même de sa propre classe, en se faisant nommer, à force de mérite, membre du conseil de la nation et du roi ? Ne ferait-il pas rentrer par là ses enfants dans leur classe originaire ? Et ses fils d’ailleurs n’y pourraient-ils pas rentrer par des mariages ? " et quelles seraient les fonctions de ce conseil de la nation ? De quoi s’occuperait-il ? Dans quelles affaires jugerait-il ? " écoutez, mon cousin : la première fois qu’un souverain me demandera l’explication de mon projet, dans l’intention d’en faire quelque chose, je l’expliquerai, et le détaillerai de mon mieux ; et, s’il se trouve à l’examen aussi mal imaginé et aussi impraticable que vous le croyez, je l’abandonnerai courageusement. " il est bien d’une femme, " dites-vous : à la bonne heure, je suis une femme, et j’ai une fille. J’ai un préjugé pour l’ancienne noblesse ; j’ai du faible pour mon sexe : il se peut que je ne sois que l’avocat de ma cause, au lieu d’être un juge équitable dans la