Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/34

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XIII.


Ce monde composé d’un discordant accort
Fait toute chose humaine aller à son contraire,
Et sous le mouvement du monde elementaire
Il n’est rien de certain que le coup de la mort.

La mort passe par tout, dez l’oëst jusqu’au Nort
Des le Sus jusqu’à l’Est, le meurdrier sanguinaire
Fuit ainsi le meurdrier, & ne scauroit on faire
Qu’apres un long voyage on n’anchre dans le port.

Plaindre le trespacé que la terre consomme
Cest se plaindre, & douloir que Dieu l’avoit fait homme
Sujet à faire un saut qu’on ne peut eviter :

Haste toy donc de vivre, & si tu as envie
Quant ton heure viendra de ne tespouvanter,
Pense qu’autant de jours, autant te sont de vie.


XIIII.


Celuy quiconque meurt en la verde jeunesse
Si de bon Citoyen il à fait le devoir,
Bon fils, & bon amis, ignare à décevoir :
Il à attaint le but de la courbe viellesse ;

Cest vivre longuement, vivre jusqu'a sagesse
Quiconque en est pourveu, s'il n'a peu se mouvoir
Plus longuement en vie, au moins il à fait voir
Que le but de la vie à la vertu se dresse :

L'ocieus ne meurt tard, mais il meurt longuement,
En ses jours bien que longs ne sont qu'un monument
Ou l'ame agit, & vit comme au cors d'une beste ;

Selon les actions, non pas selon les jours
Du temps je racourcis, ou prolonge le cours
On ne vit point quant l'ame à la mort est sujette.