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CXXIX.


L’enfant ne peut venir du monument charnel
Prendre possession en ce bas heritage,
Que par l'estroit conduit, & perilleux passage
Que la nature à mis au ventre maternel :

Quiconque veut aller au regne paternel,
Face premierement par le destroit sauvage
Du chemin de la mort son penible voyage,
Sans peine ne s'acquiert le repos eternel.

Voila comme l'entree accorde à la sortie
Nous naissons icy bas pour jouir de la vie,
Et mourons à l'instant pour renaistre la haut

La naissance & la mort en cela seul differe,
Que l'enfant sort sans peur du ventre de la mere,
Et nous tremblons d'effroy quant mourir il nous faut.


CXXX.


La femme grosse endure une extreme souffrance
Sur le point d'accoucher, mais en moins d'un moment
Elle met en oubli, apres l'enfantement
De son travail passé la dure violence

Ainsi bien que la mort nous batte à toute outrance
Avant que de tomber dans le creus monument,
Si est-ce que son mal ne dure longuement
Devant vivre par elle hors de peine & nuisance

Icy n'avons nous point un sejour permanent,
Mais comme un voyager jour et nuit cheminant
Par orage, par vent, par tempeste, & par gresle

Nous recherchons du ciel le sejour arresté,
Ou quiconque est receu, peut dire en verité
Que la mort est la clef de la vie eternelle.