Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/14

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occasion à la violence de fouler tout au pié. & m’opiniatrant par trop contre mon naturel, (auquel il est trop plus seur d’abandonner les resnes de notre conduitte qu’à nous) esteindre ces premieres estincelles, que l’ETERNEL, juste distributeur de ses graces, a allumé dans mon ame, laquelle se relaschant après deux ou trois heures d’Estudes serieuses, à la composition de quelque poëme, semble se desmesler, se desprendre, & se jetter plus au large, & à son aise, remise en la liberté de ses actions. Toute-fois considerant en moy-mesme que le cerveau de l’homme est un sujet merveilleusement ondoyant, & divers, sur lequel ne se peut fonder aucun jugement constant, & uniforme, se perdant aisement s’il n’a quelque but establi, pour estre un cors vain, n’ayant par ou estre saisi, & assené ; un cors di-je mmonstrueus, variable, & difforme, au quel on ne peut asseoir ny neu ny prise, je me resolu de luy tailler par industrie, & par art, les limites de sa chasse, & comter, & regler ses pas en l’estude comme au reste, luy donnant des barrieres fortes, & contraintes de peur que par sa volubilité, & desbauche il n’eschappa à toutes ces liaisons. Car tout ainsi que nous voyons les terres non cultivees produire bien d’elles mesmes des plantes, & racines infructueuses, mais que pour faire une generation d’herbes, bonne et naturelle, il les faut aerer, tourner, & l’aide de la charrue embesougner de quelque proffi-