Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/204

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CCXXXIX.


Si le departement du monde desastreus
Est l'entree à la vie ou le juste repose
Qu'est ce du monde faus qui les hommes expose
A tant de mal-heurtez qu'un tombeau tenebreus ?

Si rompre les liens de ce cors langoureus
Est le mettre en franchise helas qu'est-ce autre chose
Qu'une estroitte prison ou nostre ame est enclose
Demeurant en regret dans ce cors douloureus ?

Si le souverain bien de l'homme sociable
Est de voir de son DIEU la presence amiable,
N'est-ce pas un mal-heur de s'en voir eslougné ?

O mort heureuse mort si jadis ta pointure
A beaucoup effrayé l'humaine creature,
Tu as ore en douvceur ton absythe tourné.


CCXL.


Les poissons escaillez aiment les moites eaus,
Les fleuves et les lacs : les animaus sauvages
Aiment les bois touffus, les creus et les boccages,
Et l’air dous et serain est aimé des oiseaus :

Les grillons babillars aiment l’email des preaus,
S’esgayent au Prin-tems parmi le verd herbage,
Les lesars et serpens envenimez de rage
Aiment des murs rompus les humides caveaus.

Bref, naturellement chacun aime et desire
Le lieu originel d’où sa naissance il tire
Auquel mesmes il doit resider longuement :

L’homme seul, derivant comme plante divine
Du ciel spirituel sa feconde origine,
Prefere à sa patrie un long bannissement.