Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/29

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III.


Si le simple enfançon, & le fol irrité
Ne craignent de la mort l’indomtable puissance,
Sages, aurons nous moins de force & d’asseurance
Qu’en fournit leur sottice & leur simplicité ?

L’homme engendré du tems, voit de necessité
Empires, & Citez fleschir leur arrogance
Sous l’arrest de la mort, moy-mesme je m’avance
Pendant que je devise, au trespas limité.

Chacque heure, chacque point de ceste foible vie
Ostant l’homme à soy-mesme, au tombeau le convie
Ce pendant sur la terre asseurant ses discours.

Bien que par le menu à tout coup il trespasse
Redoute incessament qu’une fois ne se face
Ce qu’il souffre à toute heure, & se fait tous les jours.


IIII.


Il ny à si grossier qui ne connoisse bien
Devoir un jour mourir, & toutefois quant l’heure
De la mort est venue, il se tourmente, & pleure
Desireus de sa perte, & jalous de son bien.

N’a il pas bien faillu que pere & mere tien
Homme sans jugement, auparavant toy meure ?
Comment ? es tu ne seul à fortune meilleure
Sur lequel de la mort le trait ne puisse rien ?

Tous ceus qui devant toy ont veu l’œil de ce monde,
Ceus quiconque apres toy verront sa tresse blonde
Dans l’aveugle cercueil comme toy tomberont :

Telle est la loy de Dieu de tout peuple receue
Que toute voye aura une certaine issue,
En fin tu t’en iras ou toutes choses vont.