Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/32

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IX.


Nous allons à la mort mais nous ny courons pas,
Et mourons tous les jours, car tous les jours s'avance
Quelque part de nostre àge, & voyons que l'enfance
Devant l'adolescence incontinant chet bas.

La debile vieillesse arrive pas à pas
Et tout ce qui fust fait avant nostre naissance,
Tout ce qui fera apres la decandence
De nos cors endormis, est aus mains du trespas.

Plus nous allons en avant, tant plus nous decroissons,
Mesme ce jour icy lequel nous franchissons
La mort avecque nous justement le partage ;

Et si ne savons pas quant elle nous attend,
Il faut donc en tous lieus attendre son outrage,
Le penser à la mort rend l'homme plus constant.


X.


Que te chaut il, mortel, à quelle heure tu sorte
Puisqu'il te faut sortir, ne te chaille comment
Longuement tu vivras, te chaille seulement
Comme tu vivras bien selon que DIEU t'enhorte :

De vivre longuement le Seigneur nous l'apporte,
Et le bien vivre aussi, vivant honnestement
La vie est longue assez quant honnorablement
En ayant bien usé nous luy fermons la porte :

Vivre en oisiveté quattre vingt ans passez
C'est séjourner en vie, & non pas vivre assez,
Car tel long cour de tems est une mort obscure.

Nostre vie est semblable au jeu de l'eschaffaut
Pourveu qu'il soit joüé, & finis comme il faut
On ne regarde point combien de tems il dure.