Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/336

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CCCLXV.


Las ! pourquoy nous fais tu, ô monde abominable
Ce que nous aymions ore a ceste heure hair
Ce que nous deffendions à main forte envahir
Ce que nous attestions le tenir detestable ?

Ce que nous agreions, l’avoir desagreable
Ce dont nous nous rions, or nous en esbahir
Ceus dont nous nous fions, diffamer & trahir
Fuiant ce qui tantost nous estoit souhaitable ?

C’est toy monde insensé qui nous rens mal voulus
Ce que si cherement nous avions ore esleus
Troublant les vieus amis d’une hayne nouvelle.

Bref tu es celuy seul qui nous fais, mal-accort
Mespriser en vivant ce qu’apres nostre mort
Nous pleurons condamnez en la geine eternelle.


CCCLXVI.


Esperes tu, mondain, que le monde barbare
Te puisse un jour donner un seur contentement ?
S'il ne le peut donner, miserable & comment
A le suivre & servir est ce que tu t'esgare ?

Leve les yeus en haut & si le jour est rare
Que l'on voit sans nuau l'azur du firmament
Encore trop plus rare est l'heure & le moment
Que le souci mordant de nos ceur ne s'empare

Peut estre estimes tu que le monde tousjour
Te donnera plaisir, helas ! c'est au rebour
Pource qu'ostez le tems ou le destin moleste

Par divers accidens nous force de pleurer
Et les nuis & les jours usez à souspirer
A grand peine pour rire un quart d'heure nous reste.