Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/348

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CCCLXXXIX.


Quand le fruit est cueilli la feuille ternissante
Est de nulle valeur, quant les raisins contrains
Ont passez par deus fois sous les pressoirs estrains
On jette à l’abandon la pressure fumante
 
Le moulin s’allentit, quant la meule tournante
Pour exercer son tour n’a farines ny grains
Je dis que les viellars de leur fin sont prochains
Quant l’amendier fleurit sur leur teste branlante
 
Encore en y at il qui pignant leurs cheveus
De viellesse chenus voyent de leurs neveus
Et des filz de leurs filz la maison toute pleine
 
Et ne s’estiment vieus, ne considerant pas
Lors que le chaud esté sur les arbres ameine
Les fruits delicieus, que les fleurs tombent bas.


CCCXC.


O inconstance, ó mort, ó povre vie humaine
Ou sont tant de perils pour choir & tresbucher
Ou tant de choses sont à voir & esplucher
Que le nombre infinis en surpasse l'areine

O mer tempestueuse ou la barque a grand peine
Peut voguer un moment sans choquer au rocher
La mort nous fait plustost au sepulchre coucher
Que nous n'avons de nous connoissance certaine

O grand Pere des cieus, pourquoy avez vous fais
Infinis les desirs de nos ceurs imparfais
Rendant nostre clarté en si peu d'heure close ?

O douleur, ó regret, ó infelicité
Hormis le sacrè don de l'immortalité
DIEU a donné cy bas aus hommes toute chose.