Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/54

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LIII.


L’Enfance n’est sinon qu’une sterile fleur,
La jeunesse qu’ardeur d’une fumiere vaine,
Virilité qu’ennuy, que labeur, et que peine,
Vieillesse que chagrin, repentance, & douleur,

Nos jeux que desplaisirs, nos bon-heurs que mal-heur,
Nos thresors et nos biens que tourment, & que geine,
Nos libertez que laqs, que prisons, & que chaine,
Notre aise, que mal-aise, & nostre ris que pleur :

Passer d’un àge à l’autre est s’en aller au change
D’un bien plus petit mal en un mal plus estrange
Qui nous pousse en un lieu d’ou personne ne sort.

Nostre vie est semblable à la mer vagabonde,
Où le flot suit le flot, et l’onde pousse l’onde,
Surgissant à la fin au havre de la mort.


LIIII.


Romme victorieuse, et l’Itale aguerrie
A elle commandee ? apprenne maintenant
D'obeir & servir, vergogneuse, inclinant
Sous le joug des tyrans, la teste alangourie :

La Grece à elle en arme, & police fleurie ?
A cette heure flaitrisse, & vienne incontinant
Le Got, & l'Ostrogot de rage frissonnant
Du monde assubjettis guider la Seigneurie :

L'un commande superbe, alors que l'autre sert
L'un gaigne & s'enrichit, de ce que l'autre pert
L'un fuit & l'autre suit, & les choses humaines

Rouleront à jamais en ce vague circuit,
Jusqu'à tant que les mors resueillez de leur nuit
Recevront de leur fait le loyer, ou les peines.