Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/55

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LV.


Quant il faut l’enterrer, l’homme avaricieus
Enterre son argent, & miserable pense
L'y retreuver encor si la mort le dispence
De revoir du Soleil les rayons gracieus :

Par dernier testament le fol ambicieus
Ordonne à son convoy une folle depence,
Faisant apres sa mort triumpher son offence,
Et survivre son vice à son cors vicieus :

Ne pouvant plus des piés aller à la cadence
L'impudicque paillard d'espaule, & teste dance
Et delaissé du vice, il ne le peut laisser.

O cerveaus obstinez, helas! est il possible
Que la condition de la chair corruptible
En pensant à la mort, ne vous puisse abaisser.


LVI.


Souvent le monde faus en ses fais avisé
S'accompagne de ceux qui s'ecartent du monde.
Cherchons nous des mondains la troupe vagabonde ?
Le monde des mondains à le ceur attisé,

Cherchons nous des lieus coys le desert mesprisé ?
Il a dans les desers sa retraitte profonde,
Cherchons nous de voguer à la merci de l'onde?
Le monde est comme en terre, en l'onde authorisé ;

Retirons nous en nous ; en nous mesmes il loge
Aussi sale d'ailleurs, d'ou point il ne desloge
Que nous ne deslogions au-paravant de nous

Bref le monde est en nous, comme au monde nous sommes,
Et ne peuvent mourir les offences des hommes,
Que les hommes pecheurs, ne meurent premier tous.