Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/62

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LXIX.


Nous tansons tous les jours le destin implacable
Pourquoy la dure mort laisse jusqu'a la fin
Le viel homme languir, & couppe le chemin
Au jeune adolescent de facons sociable :

Lequel des deux, chetif, est le plus raisonnable
Ou que tu obeisse au vouloir du destin,
Ou bien que du destin le neu diamantin
Suive ta volonté legere, & variable ?

Combien je vive bien vient de DIEU seulement.
Luy seul nous a donné l'estre & le mouvement
Mais nous avons forgé nostre propre misere.

L'àge est exterieur, qui n'estant pas à nous
Quant il est plus petit d'autant plus il est dous ;
Mais que jusqu'au tombeau sans honte il persevere.


LXIX.


Faisons mourir en nous nostre concupiscence,
Arrachant de nos ceurs le monde dangereus,
Mais de nous arracher du monde mal-heureus :
Nous n'en avons de DIEU obtenu la licence :

Le Chrestien doit sortir de ceste demeurance
Quant son terme est finis, mais s'enfuir peureus
Avant le tems prefix, de ce cors douloureus
Cest enfraindre du ciel l'immuable ordonnance.

Il ne faut trop hair la trame de ses jours
N'y trop l'aimer aussi, nous conformant tousjours
Ou a l'un ou à l'autre, à mourir ou à vivre,

DIEU nous à en ce cors comme en bataille mis
Et scait quant il nous à la retraite promis.
Le soldat de son chef la volonte doit suivre.