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LXXXIX.


Ne craignant point la mort, le bras de la constance
Quant tu chancelleras tes piés rasseurera,
Quant tu tresbucheras plus haut t'eslevera
Te tirant de peril, si le peril t'offence :

Leve toy seulement, haste toy, & t'avance
De gaigner ce dous port, ou quiconque anchrera
D'un visage asseure, jamais ne sentira
Les accidens fascheus d'une injuste nuisance :

Grand de toutes pars les tonnerres souffreus,
Tonnent de tout costé les orages affreus,
Et mille horreurs de mors volent devant ta face ;

Parmy les flots esmeus du monde tempestant
Sans pallir,n ou fremir immobile, & constant
Quant chacun transira, tu vivras en bonace.


XC.


Veus tu rompre le trait de la Parque inhumaine
Et mespriser ses cous ? marche dispostement
En bataille contre elle, & ne crains nullement
Le meurdrier aiguillon de sa flesche soudaine :

Mais si la froide peur à son vouloir t'emmeine
Voyant la mort venir, & si craintisvement
Tu connille à ses cous tiens veritablement
Que vivant, & mourant, tu languirtas en peine :

Ainsi blesse l'ortye, alors qu'on ne la fait
Que tourcher mollement, perdant un tel effet
Quant plus estroitement on la serre, & la presse

Tu ne languiras point, & ne pecheras pas
Pensant à tout moment à l'heure du trespas,
L'espoir de vivre trop pert l'ame pecheresse.