Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/75

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XCV.


Je vis un jour le tems la faucille en la main,
L'horloge en la ceinture, & les ailes derriere
Tremoussant sur le dos, avancer sa carriere
Precipitant des jours l'irreparable train :

A son costé marchoit le trespas inhumain,
Qui lancant en nos cors la sagette meurdriere
Comme neige au Soleil, dessous la froide biere
En poussiere changez nous consumoit soudain

Celuy qui le matin fleurissoit en jeunesse,
Sur le soir devant luy grisonnait de viellesse
Tenant en mesme ranc l'hyver & le primtems.

Alors je reputay une grande imprudence
De mettre aus hommes vains une ferme esperance
Qui passent aussitost comme passe le tems.


XCVI.


L’homme fresle & caducq en misere, & douleur
Du ventre maternel derive sa naissance,
Et recouvert de sang tesmougne la vengeance
Du crime originel, cause de son mal-heur

Ja grandelet de cors, il change de couleur
De cheveus & de teint, & vivant en souffrance
Il croit selon le tems, & vient en decroissance,
Esteignant au tombeau sa vitale chaleur :

Le tems est-il venu auquel la destinee
De ses jours mal-heureus la course à terminee ?
Il rend l'ame malade, en tristesse, & tourment.

Voila pas un miroir sous le ciel ou nous sommes
De nostre infirmite, de voir ainsi les hommes
Naistre, vivre, & mourir en mescontentement ?