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POÉSIES DIVERSES



I.

LES TOMBEAUX CHAMPÊTRES.

élégie imitée de gray[1]


Londres, 1796.


Dans les airs frémissants j’entends le long murmure
De la cloche du soir qui tinte avec lenteur ;
Les troupeaux en bêlant errent sur la verdure ;
Le berger se retire et livre la nature
À la nuit solitaire, à mon penser rêveur
Dans l’orient d’azur l’astre des nuits s’avance,
Et tout l’air se remplit d’un calme solennel.
Du vieux temple verdi sous ce lierre immortel
L’oiseau de la nuit seul trouble le grand silence.
On n’entend que le bruit de l’insecte incertain,
Et quelquefois encore, au travers de ces hêtres,
Les sons interrompus des sonnettes champêtres
Du troupeau qui s’endort sur le coteau lointain.

Dans ce champ où l’on voit l’herbe mélancolique
Flotter sur les sillons que forment ces tombeaux,
Les rustiques aïeux de nos humbles hameaux
Au bruit du vent des nuits dorment sous l’if antique.
De la jeune Progné le ramage confus,

  1. Cette imitation a été imprimée à Londres, dans le journal de Peltier. Voyez la Préface.