Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 3.djvu/576

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Aux portes du couchant le ciel se décolore ;
Le jour n’éclaire plus notre aimable entretien :
Mais est-il un sourire aux lèvres de l’Aurore
Plus charmant que le tien ?

L’astre des nuits s’avance en chassant les orages :
Clarisse, sois pour moi l’astre calme et vainqueur
Qui de mon front troublé dissipe les nuages
Et fait rêver mon cœur.


V.

L’ESCLAVE.


Tunis, 1807.


Le vigilant derviche à la prière appelle
Du haut des minarets teints des feux du couchant.
Voici l’heure au lion qui poursuit la gazelle ;
Une rose au jardin moi je m’en vais cherchant.
Musulmane aux longs yeux, d’un maître que je brave
Fille délicieuse, amante des concerts,
Est-il un sort plus doux que d’être ton esclave,
Toi que je sers, toi que je sers ?

Jadis, lorsque mon bras faisoit voler la prame
Sur le fluide azur de l’abîme calmé,
Du sombre désespoir les pleurs mouilloient ma rame ;
Un charme m’a guéri : j’aime et je suis aimé.
Le noir rocher me plaît ; la tour que le flot lave
Me sourit maintenant aux grèves de ces mers :
Le flambeau du signal y luit pour ton esclave,
Toi que je sers, toi que je sers !

Belle et divine es-tu, dans toute ta parure.
Quand la nuit au harem je glisse un pied furtif !
Les tapis, l’aloès, les fleurs et l’onde pure.
Sont par toi prodigués à ton jeune captif.
Quel bonheur ! au milieu du péril que j’aggrave,
T’entourer de mes bras, te parer de mes fers,