Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/283

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

maris, quia devastata est fortitudo vestra !… Attrita est civitas vanitatis, clausa est omnis domus nullo intrœunte… quia haec erunt in medio terrae… quomodo si paucae olivae quae remanserunt excutiantur ex olea, et racemi, cum fuerit finita vindemia. " Hurlez, vaisseaux de la mer, parce que votre force est détruite… La ville des vanités est abattue ; toutes les maisons en sont fermées et personne n’y entre plus… Ce qui restera d’hommes en ces lieux sera comme quelques olives demeurées sur l’arbre après la récolte, comme quelques raisins suspendus au cep après la vendange. " Voilà d’autres antiquités expliquées par un autre poète : Isaïe succède à Homère.

Et ce n’était pas tout encore, car la mer que je contemplais baignait à ma droite les campagnes de la Galilée, et à ma gauche la plaine d’Ascalon : dans les premières je retrouvais les traditions de la vie patriarcale et de la nativité du Sauveur, dans la seconde je rencontrais les souvenirs des croisades et les ombres des héros de Jérusalem :

Grande e mirabil cosa era il vedere
Quando quel campo e questo a fronte venne :
Come spiegate in ordine le schiere,
Di mover già, già d’assalire accenne :
Sparse al vento ondeggiando ire le bandiere
E ventolar su i grand cimier le penne :
Abiti, fregi, imprese, e arme, e colori
D’oro e di ferro, al sol lampi, e fulgori.
" Quel grand et admirable spectacle de voir les deux camps s’avancer front contre front, les bataillons se déployer en ordre, impatients de marcher, impatients de combattre ! Les bannières ondoyantes flottent dans les airs et le vent agite les panaches sur les hauts cimiers. Les habits, les franges, les devises, les couleurs, les armes d’or et de fer resplendissent aux feux du soleil. "

J. B. Rousseau nous peint ensuite le succès de cette journée :

La Palestine, enfin, après tant de ravages,
Vit fuir ses ennemis, comme on voit les nuages
Dans le vague des airs fuir devant l’aquilon ;
Et du vent du midi la dévorante haleine
N’a consumé qu’à peine
Leurs ossements blanchis dans les champs d’Ascalon.

Ce fut à regret que je m’arrachai au spectacle de cette mer qui réveille tant de souvenirs ; mais il fallut céder au sommeil.

Le Père Juan de la Conception, curé de Jaffa et président de l’hospice, arriva le lendemain matin, 2 octobre. Je voulais parcourir la ville