Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/287

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Jaffa sous la domination des chrétiens avait un évêque suffragant du siège de Césarée. Quand les chevaliers eurent été contraints d’abandonner entièrement la Terre Sainte, Jaffa retomba avec toute la Palestine sous le joug des soudans d’Égypte, et ensuite sous la domination des Turcs.

Depuis cette époque jusqu’à nos jours on retrouve Joppé ou Jaffa dans tous les voyages à Jérusalem ; mais la ville, telle qu’on la voit aujourd’hui, n’a guère plus d’un siècle d’existence, puisque Monconys, qui visita la Palestine en 1647, ne trouva à Jaffa qu’un château et trois cavernes creusées dans le roc. Thévenot ajoute que les moines de Terre Sainte avaient élevé devant les cavernes des baraques de bois et que les Turcs contraignirent les Pères de les démolir. Cela explique un passage de la relation d’un religieux vénitien. Ce religieux raconte qu’à leur arrivée à Jaffa on renfermait les pèlerins dans une caverne. Breve, Opdam, Deshayes, Nicole le Huen, Barthélemy de Salignac ; Duloir, Zuallart, le Père Roger et Pierre de la Vallée sont unanimes sur le peu d’étendue et la misère de Jaffa.

On peut voir dans M. de Volney ce qui concerne la moderne Jaffa, l’histoire des sièges qu’elle a soufferts pendant les guerres de Dâher et d’Aly-Bey, ainsi que les autres détails sur la bonté de ses fruits, l’agrément de ses jardins, etc. J’ajouterai quelques remarques.

Indépendamment des deux fontaines de Jaffa, citées par les voyageurs, on trouve des eaux douces le long de la mer, en remontant vers Gaza ; il suffit de creuser avec la main dans le sable pour faire sourdre au bord même de la vague une eau fraîche : j’ai fait moi-même, avec M. Contessini, cette curieuse expérience, depuis l’angle méridional de la ville jusqu’à la demeure d’un santon, que l’on voit à quelque distance sur la côte.

Jaffa, déjà si maltraitée dans les guerres de Dâher, a beaucoup souffert par les derniers événements. Les Français, commandés par l’empereur, la prirent d’assaut en 1799. Lorsque nos soldats furent retournés en Égypte, les Anglais, unis aux troupes du grand-vizir, bâtirent un bastion à l’angle sud-est de la ville. Abou-Marra, favori du grand-vizir, fut nommé commandant de la ville. Djezzar, pacha d’Acre, ennemi du grand-vizir, vint mettre le siège devant Jaffa après le départ de l’armée ottomane. Abou-Marra se défendit vaillamment pendant neuf mois, et trouva moyen de s’échapper par mer. Les ruines qu’on voit à l’orient de la ville sont les fruits de ce siège. Après la mort de Djezzar, Abou-Marra fut nommé pacha de Gedda, sur la mer Rouge. Le nouveau pacha prit sa route à travers la Palestine ; par une de ces révoltes si communes en Turquie, il s’arrêta dans Jaffa, et