Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/304

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" Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté, chéris de Dieu. "

La piété des fidèles a transformé cette grotte en une chapelle. Elle devait être autrefois très ornée : j’y ai remarqué trois chapiteaux d’ordre corinthien, et deux autres d’ordre ionique. La découverte de ces derniers était une véritable merveille, car on ne trouve plus guère après le siècle d’Hélène que l’éternel corinthien.

En sortant de cette grotte, et marchant toujours à l’orient, une pointe de compas au midi, nous quittâmes les montagnes rouges pour entrer dans une chaîne de montagnes blanchâtres. Nos chevaux enfonçaient dans une terre molle et crayeuse, formée des débris d’une roche calcaire. Cette terre était si horriblement dépouillée qu’elle n’avait pas même une écorce de mousse. On voyait seulement croître çà et là quelques touffes de plantes épineuses aussi pâles que le sol qui les produit, et qui semblent couvertes de poussière comme les arbres de nos grands chemins pendant l’été.

En tournant une des croupes de ces montagnes nous aperçûmes deux camps de Bedouins : l’un formé de sept tentes de peaux de brebis noires disposé en carré long, ouvert à l’extrémité orientale ; l’autre composé d’une douzaine de tentes plantées en cercle. Quelques chameaux et des cavales erraient dans les environs.

Il était trop tard pour reculer : il fallut faire bonne contenance et traverser le second camp. Tout se passa bien d’abord. Les Arabes touchèrent la main des Bethléémites et la barbe d’Ali-Aga. Mais à peine avions-nous franchi les dernières tentes, qu’un Bedouin arrêta l’âne qui portait nos vivres. Les Bethléémites voulurent le repousser ; l’Arabe appela ses frères à son secours. Ceux-ci sautent à cheval : on s’arme, on nous enveloppe. Ali parvint à calmer tout ce bruit pour quelque argent. Ces Bedouins exigèrent un droit de passage : ils prennent apparemment le désert pour un grand chemin ; chacun est maître chez soi. Ceci n’était que le prélude d’une scène plus violente.

Une lieue plus loin, en descendant le revers d’une montagne, nous découvrîmes la cime de deux hautes tours qui s’élevaient dans une vallée profonde. C’était le couvent de Saint-Saba. Comme nous approchions, une nouvelle troupe d’Arabes, cachée au fond d’un ravin, se jeta sur notre escorte en poussant des hurlements. Dans un instant nous vîmes voler les pierres, briller les poignards, ajuster les fusils. Ali se précipita dans la mêlée ; nous courons pour lui prêter secours : il saisit le chef des Bedouins par la barbe, l’entraîne sous le ventre de son cheval, et le menace de l’écraser s’il ne fait finir cette querelle. Pendant le tumulte un religieux grec criait de son côté et gesticulait