Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/337

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

croit qu’on employa pour cette couronne le nabka des Arabes. La raison qu’il en donne mérite d’être rapportée :

" Il y a toute apparence, dit l’auteur, que le nabka fournit la couronne que l’on mit sur la tête de Notre-Seigneur : il est commun dans l’Orient. On ne pouvait choisir une plante plus propre à cet usage, car elle est armée de piquants ; ses branches sont souples et pliantes, et sa feuille est d’un vert foncé comme celle du lierre. Peut-être les ennemis de Jésus-Christ choisirent-ils, pour ajouter l’insulte au châtiment, une plante approchant de celle dont on se servait pour couronner les empereurs et les généraux d’armée. "

Une autre tradition conserve à Jérusalem la sentence prononcée par Pilate contre le Sauveur du monde :

Jesum Nazarenum, subversorem gentis, contemptorem Caesaris, et falsum Messiam, ut majorum suae gentis testimonio probatum est, ducite ad communis supplicii locum, et eum in ludibriis regiae majestatis in medio duorum latronum cruci affigite. I, lictor, expedi cruces.

A cent vingt pas de l’arc de l’ Ecce Homo, on me montra, à gauche, les ruines d’une église consacrée autrefois à Notre-Dame-des-Douleurs. Ce fut dans cet endroit que Marie, chassée d’abord par les gardes, rencontra son Fils chargé de la croix. Ce fait n’est point rapporté dans les Evangiles, mais il est cru généralement sur l’autorité de saint Boniface et de saint Anselme. Saint Boniface dit que la Vierge tomba comme demi-morte et qu’elle ne put prononcer un seul mot : Nec verbum dicere potuit. Saint Anselme assure que le Christ la salua par ces mots : Salve, Mater  ! Comme on retrouve Marie au pied de la croix 12. , ce récit des Pères n’a rien que de très probable ; la foi ne s’oppose point à ces traditions : elles montrent à quel point la merveilleuse histoire de la Passion s’est gravée dans la mémoire des hommes Dix-huit siècles écoulés, des persécutions sans fin, des révolutions éternelles, des ruines toujours croissantes, n’ont pu effacer ou cacher la trace d’une mère qui vint pleurer sur son fils.

Cinquante pas plus loin nous trouvâmes l’endroit où Simon le Cyrénéen aida Jésus-Christ à porter sa croix.

" Comme ils le menaient à la mort, ils prirent un homme de Cyrène, appelé Simon, qui revenait des champs, et le chargèrent de la croix, la lui faisant porter après Jésus 13. . "

Ici le chemin qui se dirigeait est et ouest fait un coude et tourne au nord ; je vis à main droite le lieu où se tenait Lazare le pauvre, et en face, de l’autre côté de la rue, la maison du mauvais riche.