Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/34

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de leurs pays, dans des confidences fondées sur une estime réciproque. Aujourd’hui que l’autour de la Note est privé des renseignements et de l’autorité que donne une place active, ces facilités d’être utile lui manquent : il ne peut servir une cause sacrée que par le moyen de la presse, moyen borné sous le rapport diplomatique, puisqu’il est évident que, ne pouvant ni ne devant tout dire au public, beaucoup de choses restent dans l’ombre par l’impossibilité même où l’on est de les expliquer.

Si l’on a été bien instruit, l’idée d’une dépêche collective ou de dépêches simultanées en faveur des Grecs, adressées par les puissances chrétiennes au divan (cette idée développée dans la Note), aurait été prise en considération avant la mort de l’empereur Alexandre, sinon officiellement, du moins comme matière de controverse générale. Mais une objection aurait été faite par les politiques d’une cour principale.

" On ne peut pas, auraient-ils dit, demander au divan la séparation de la Grèce sans appuyer cette demande d’une menace en cas de refus. Or, toute intervention avec menace est contraire aux principes du droit politique. D’un autre côté, toute dépêche comminatoire qui demeurerait sans effet serait puérile ; et toute dépêche comminatoire suivie d’un effet produirait la guerre : donc une pareille dépêche est inadmissible, puisqu’une guerre avec la Turquie pourrait ébranler l’Europe. "

Le raisonnement serait juste, s’il était applicable au projet exposé dans la Note. Mais la Note ne demande point de dépêche menaçante ; elle ne place point la Porte dans la nécessité d’obéir ou de se battre ; elle désire qu’on dise simplement à la cour ottomane : " Reconnaissez l’indépendance de la Grèce, ou avec dos conditions ou sans conditions : si vous ne voulez pas prendre ce parti, nous serons forcés nous-mêmes de reconnaître cette indépendance pour le bien de l’humanité on général, pour la paix de l’Europe en particulier, pour les intérêts du commerce. "

A ces motifs on pourrait ajouter aujourd’hui qu’il ne convient pas à la sûreté des puissances chrétiennes que des forces soient transportées chaque jour de l’Afrique et de l’Asie en Europe ; qu’il ne convient pas à ces puissances que la Morée devienne un camp retranché où l’on exerce au maniement des armes de nombreux soldats ; qu’il ne leur convient pas que le pacha d’Égypte se place avec toutes les populations blanches et noires du Nil aux avant-postes de la Turquie, menacent ainsi ou la chrétienté ou Constantinople même.

Le pacha d’Égypte domine en Chypre, il est maître de Candie ; il étend sa