Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/357

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écrivains juifs, tels que Josèphe, les compilateurs du Talmud et de la Misna ; les historiens et les géographes arabes, Massudi, Ibn-Haukal, Ibn-al-Quadi, Hamdoullah, Abulféda, Edrisi, etc. ; les voyageurs en Palestine, depuis les premiers temps jusqu’à nos jours, rendent unanimement témoignage à la fertilité de la Judée. L’abbé Guénée a discuté ces autorités avec une clarté et une critique admirables 31. . Faudrait-il s’étonner d’ailleurs qu’une terre féconde fût devenue une terre stérile après tant de dévastations ? Jérusalem a été prise et saccagée dix-sept fois ; des millions d’hommes ont été égorgés dans son enceinte, et ce massacre dure pour ainsi dire encore ; nulle autre ville n’a éprouvé un pareil sort. Cette punition, si longue et presque surnaturelle, annonce un crime sans exemple et qu’aucun châtiment ne peut expier. Dans cette contrée, devenue la proie du fer et de la flamme, les champs incultes ont perdu la fécondité qu’ils devaient aux sueurs de l’homme ; les sources ont été ensevelies sous des éboulements ; la terre des montagnes, n’étant plus soutenue par l’industrie du vigneron, a été entraînée au fond des vallées, et les collines, jadis couvertes de bois de sycomores, n’ont plus offert que des sommets arides 32. .

Les chrétiens ayant donc perdu ce royaume en 1291, les soudans Baharites demeurèrent en possession de leur conquête jusqu’en 1382. A cette époque les mamelucks circassiens usurpèrent l’autorité en Égypte, et donnèrent une nouvelle forme de gouvernement à la Palestine. Si les soudans circassiens sont ceux qui avaient établi une poste aux pigeons et les relais pour apporter au Caire la neige du mont Liban, il faut convenir que, pour des barbares, ils connaissaient assez bien les agréments de la vie. Sélim mit fin à tant de révolutions en s’emparant, en 1716, de l’Égypte et de la Syrie.

C’est cette Jérusalem des Turcs, cette dix-septième ombre de la Jérusalem primitive, que nous allons maintenant examiner.

En sortant du couvent, nous nous rendîmes à la citadelle. On ne permettait autrefois à personne de la visiter : aujourd’hui qu’elle est en ruine, on y entre pour quelques piastres. D’Anville prouve que ce château, appelé par les chrétiens le Château ou la Tour des Pisans, est bâti sur les ruines de l’ancien château de David, et qu’il occupe la place de la tour Psephina. Il n’a rien de remarquable : c’est une forteresse gothique, telle qu’il en existe partout, avec des cours intérieures, des fossés, des chemins couverts, etc. On me montra une salle abandonnée, remplie de vieux casques. Quelques-uns de ces