Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/369

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et la ligne se reproduisait sans doute de la même manière le long du rocher, mais elle est actuellement effacée. A dix-huit pouces de cette frise règne un feuillage entremêlé de pommes de pin et d’un autre fruit que je n’ai pu reconnaître, mais qui ressemble à un petit citron d’Égypte. Cette dernière décoration suivait parallèlement la frise, et descendait ensuite perpendiculairement le long des deux côtés de la porte.

Dans l’enfoncement et dans l’angle à gauche de cette grande porte s’ouvre un canal où l’on marchait autrefois debout, mais où l’on se glisse aujourd’hui en rampant. Il aboutit par une pente assez raide, ainsi que dans la grande pyramide, à une chambre carrée, creusée dans le roc avec le marteau et le ciseau. Des trous de six pieds de long sur trois pieds de large sont pratiqués dans les murailles, ou plutôt dans les parois de cette chambre, pour y placer des cercueils. Trois portes voûtées conduisent de cette première chambre dans sept autres demeures sépulcrales d’inégale grandeur, toutes formées dans le roc vif, et dont il est difficile de comprendre le dessin, surtout à la lueur des flambeaux. Une de ces grottes, plus basse que les autres, et où l’on descend par six degrés, semble avoir renfermé les principaux cercueils Ceux-ci étaient généralement disposés de la manière suivante : le plus considérable était au fond de la grotte, en face de la porte d’entrée, dans la niche ou dans l’étui qu’on lui avait préparé ; des deux côtés de la porte deux petites voûtes étaient réservées pour les morts les moins illustres et comme pour les gardes de ces rois, qui n’avaient plus besoin de leur secours. Les cercueils, dont on ne voit que les fragments, étaient de pierre et ornés d’élégantes arabesques.

Ce qu’on admire le plus dans ces tombeaux, ce sont les portes des chambres sépulcrales ; elles sont de la même pierre que la grotte, ainsi que les gonds et les pivots sur lesquels elles tournent. Presque tous les voyageurs ont cru qu’elles avaient été taillées dans le roc même, mais cela est visiblement impossible, comme le prouve très bien le père Nau. Thévenot assure " qu’en grattant un peu la poussière on aperçoit la jointure des pierres, qui y ont été mises après que les portes ont été posées avec leurs pivots dans les trous. " J’ai cependant gratté la poussière, et je n’ai point vu ces marques au bas de la seule porte qui reste debout : toutes les autres sont brisées et jetées en dedans des grottes.

En entrant dans ces palais de la mort, je fus tenté de les prendre pour des bains d’architecture romaine, tels que ceux de l’antre de la Sibylle près du lac Averne. Je ne parle ici que de l’effet général, pour