Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/40

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Malheureusement ce jour ne peut être fixé. Un nouveau règne peut s’annoncer par un changement complet de système, mais il peut aussi marcher quelque temps dans les voies tracées par le règne précédent. Bien des obstacles se rencontrent quelquefois au commencement d’une carrière : la prudence et la circonspection sont alors commandées. Lorsque le monarque descendu dans la tombe a d’ailleurs été un grand et vertueux prince, lorsqu’il a joué un rôle éclatant sur le théâtre du monde, lorsqu’il a été le fondateur d’une politique particulière, enfin lorsqu’il est mort dans une haute réputation de sagesse, aimé, pleuré, admiré de ses peuples et des nations étrangères, la vénération que l’on a pour sa mémoire, le culte mérité qu’on rend à ses cendres, la tristesse même et la désolation que produit le spectacle de ses funérailles, les sentiments de tendresse et de douleur de son successeur, tout fait que l’on est enclin à suivre d’abord les traditions qu’il a laissées. Ce qu’il a établi paraît sacré ; y toucher semblerait une impiété, et l’on se sent disposé à déclarer que rien ne sera changé à l’ouvrage de son génie. Mais le temps affaiblit ces impressions, sans les détruire en ce qu’elles ont de naturel et de respectable : le caractère du nouveau souverain, la force des intérêts nouveaux, l’esprit différent des ministres appelés aux affaires, finissent par dominer, surtout dans les choses justes et visiblement utiles à l’État. Pour la Grèce, il ne suffit que de pouvoir attendre : que sa liberté campe sur la montagne, elle verra venir ses amis. Au delà de six mois, rien ne peut se calculer en Europe.

On espère avoir détruit l’objection au moyen de laquelle des hommes influents sont censés avoir écarté l’idée de se rapprocher du plan indiqué dans la Note. On croit avoir démontré qu’il ne s’agit pas d’une dépêche comminatoire, mais d’une simple déclaration qui amènerait l’émancipation désirée. Refusera-t-on d’acheter à si peu de frais une si sainte gloire ? Un pareil résultat ne vaut-il pas bien la demi-heure que coûterait la rédaction de la dépêche libératrice de la Grèce ?

Maintenant nous allons passer à l’examen des reproches que l’on fait aux Grecs, dans l’intention d’enlever à un peuple opprimé l’admiration due à son courage et la pitié qu’inspirent ses malheurs.