Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/468

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

magar, magasin ; Byrsa de bosra, forteresse, et Cothon de ratoun, coupure, car il n’est pas bien clair que le Cothon fût une île.

Après Strabon, nous ne savons plus rien de Carthage, sinon qu’elle était devenue une des plus grandes et des plus belles villes du monde. Pline pourtant se contente de dire : Colonia Carthago, magnae in vestigiis Carthaginis. Pomponius Mela, avant Pline, ne paraît ·pas beaucoup plus favorable : Jam quidem iterum opulenta, etiam nunc tamen priorum excidio rerum quam ope praesentium clarior : mais Solin dit : Alterum post urbem Roman terrarum decus. D’autres auteurs la nomment la grande et l’ heureuse : Carthago magna, felicitate reverenda.

La nouvelle Carthage souffrit d’un incendie sous le règne de Marc-Aurèle ; car on voit ce prince occupé à réparer les malheurs de la colonie.

Commode, qui mit une flotte en station à Carthage pour apporter à Rome les blés de l’Afrique, voulut changer le nom de Carthage en celui de la ville Commodiane. Cette folie de l’indigne fils d’un grand homme fut bientôt oubliée.

Les deux Gordiens, ayant été proclamés empereurs en Afrique, firent de Carthage la capitale du monde pendant leur règne d’un moment. Il paraît toutefois que les Carthaginois en témoignèrent peu de reconnaissance ; car, selon Capitolin, ils se révoltèrent contre les Gordiens en faveur de Capélius. Zosime dit encore que ces mêmes Carthaginois reconnurent Sabinien pour leur maître, tandis que le jeune Gordien succédait dans Rome à Balbin et à Maxime. Quand on croirait, d’après Zonare, que Carthage fût favorable aux Gordiens, ces empereurs n’auraient pas eu le temps d’embellir beaucoup cette cité.

Plusieurs inscriptions rapportées par le savant docteur Shaw prouvent qu’Adrien, Aurélien et Septime Sévère élevèrent des monuments en différentes villes du Byzacium, et sans doute ils ne négligèrent pas la capitale de cette riche province.

Le tyran Maxence porta la flamme et le fer en Afrique, et triompha de Carthage comme de l’antique ennemie de Rome. On ne voit pas sans frissonner cette longue suite d’insensés qui, presque sans interruption, ont gouverné le monde depuis Tibère jusqu’à Constantin, et qui vont, après ce dernier prince, se joindre aux monstres de la Byzantine. Les peuples ne valaient guère mieux que les rois. Une effroyable convention semblait exister entre les nations et les souverains : ceux-ci pour tout oser, celles-là pour tout souffrir.

Ainsi ce que nous savons des monuments de Carthage dans les siècles que nous venons de parcourir se réduit à très peu de chose : nous voyons seulement par les écrits de Tertullien, de saint Cyprien, de Lactance,