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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/424

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dans leurs devoirs religieux, jouirent du bien qu’ils avaient fait aux hommes et cherchèrent à leur en faire encore en s’appliquant plus particulièrement au maintien de la morale, aux œuvres de charité et aux progrès des lettres. Leurs palais devinrent le centre de la politesse et des arts. Appelés par leurs souverains au ministère public et revêtus des premières dignités de l’Église, ils y déployèrent des talents qui firent l’admiration de l’Europe. Jusque dans ces derniers temps les évêques de France ont été des exemples de modération et de lumière. On pourrait sans doute citer quelques exceptions ; mais tant que les hommes seront sensibles à la vertu, on se souviendra que plus de soixante évêques catholiques ont erré fugitifs chez des peuples protestants, et qu’en dépit des préjugés religieux et des préventions qui s’attachent à l’infortune, ils se sont attiré le respect et la vénération de ces peuples ; on se souviendra que le disciple de Luther et de Calvin est venu entendre le prélat romain exilé prêcher, dans quelque retraite obscure, l’amour de l’humanité et le pardon des offenses ; on se souviendra enfin que tant de nouveaux Cypriens, persécutés pour leur religion, que tant de courageux Chrysostomes se sont dépouillés du titre qui faisait leurs combats et leur gloire, sur un simple mot du chef de l’Église : heureux de sacrifier avec leur prospérité première l’éclat de douze ans de malheur à la paix de leur troupeau.

Quant au clergé inférieur, c’était à lui qu’on était redevable de ce reste de bonnes mœurs que l’on trouvait encore dans les villes et dans les campagnes. Le paysan sans religion est une bête féroce ; il n’a aucun frein d’éducation ni de respect humain : une vie pénible a aigri son caractère ; la propriété lui a enlevé l’innocence du sauvage ; il est timide, grossier, défiant, avare, ingrat surtout. Mais, par un miracle frappant, cet homme, naturellement pervers, devient excellent dans les mains de la religion. Autant il était lâche, autant il est brave ; son penchant à trahir se change en une fidélité à toute épreuve, son ingratitude en un dévouement sans bornes, sa défiance en une confiance absolue. Comparez ces paysans impies, profanant les églises, dévastant les propriétés, brûlant à petit feu les femmes, les enfants et les prêtres ; comparez-les aux Vendéens défendant le culte de leurs pères, et seuls libres quand la France était abattue sous le joug de la terreur ; comparez-les, et voyez la différence que la religion peut mettre entre les hommes.

On a pu reprocher aux curés des préjugés d’état ou d’ignorance ; mais, après tout, la simplicité du cœur, la sainteté de la vie, la pauvreté évangélique, la charité de Jésus-Christ, en faisaient un des ordres les plus respectables de la nation. On en a vu plusieurs qui semblaient