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170 REVOLUTIONS ANCIENNES.

politique est cet art prodigieux par lequel on parvient à faire vivre en corps , les mœurs anti- pathiques de plusieurs individus. Il faudroit savoir à présent ce que ce sens intérieur com- mande ou défend rigoureusement. Qui sait jusqu'à quel point la société l'a altéré? Qui sait si des préjugés si inhérents à notre constitu-

nourri dans sa misère , de (a femme qui s'étoit don- née à lui î mais croire qu'il couvrira cette odieuse ingratitude par quelques pages d'un talent inimitable , croire qu'en se prosternant aux pieds de l'idole qu'il venoit de mutiler , il lui rendra ses droits aux hom- mages des hommes î c'est joindre le délire de l'orgueil à une dureté, à une stérilité de cœur dont il y a peu d'exemple. J'aime mieux supposer , afin de l'ex- cuser, que Rousseau netoit pas toujours maître de sa tête : mais alors ce maniaque ne me touche point ; je ne saurois m'attendrir sur les maux imaginaires d'un homme qui se regarde comme persécuté , lorsque toute la terre est à ses pieds, d'un homme à qui l'on rend peut-être plus qu'il ne mérite. Pour que la perte de la raison puisse inspirer une vive pitié , il faut qu'elle ait été produite par un grand malheur , ou qu'elle soit le résultat d'une idée fixe, généreuse dans son principe. Qu'un auteur devienne insensé par les vertiges de l'a- mour-propre ; que toujours en présence de lui-même , ne se perdant jamais de vue, sa vanité finisse par faire une plaie incurable à son cerveau, c'est de tou- tes les causes de folie celle que je comprends le moins , et à laquelle je puis le moins compatir.

Nouv. Éd.

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