Page:Chateaubriand - Œuvres complètes t1.djvu/399

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��W. J.-C. 509. = OL. 67. 329

manque de lumières. J'ai trouvé plus d'instruc- tion, de bon sens chez les paysans de cette contrée 1 que chez toute autre nation européenne, sans en excepter l'Angleterre où le peuple est plein de préjugés. Une des principales causes qui sert à maintenir la morale parmi les Alle- mands , vient de la vertu de leur clergé. J'en parlerai ailleurs \

1 En entrant , il y a quelques années , dans un mauvais ca- baret , sur la route de Mayence à Francfort , j'aperçus un vieux p.i\ Mit en guêtres , un bonnet sur la tête et un chapeau par-des- sus son bonnet, tenant un bâton sous son bras, et déliant le cordon dune bourse de cuir, pleine d'or, dont il payoit son écot. Je lui marquai mon étonnement , qu'il osât voyager avec une somme assez considérable par des chemins remplis de Tyroliens et de Pandours. « C'est l'argent de mes bestiaux et de mes meu- bles , dit-il ; et je vais en Souabe avec ma femme et mes enfants. J'ai vu la guerre : au moins les pauvres laboureurs étoient épar- gnés ; mais ceci n'est pas une guerre , c'est un brigandage : amis , ennemis, tous nous pillent. » Le paysan apercevant l'ancien uniforme de l'infanterie françoise sous ma redingote , ajouta :

i Monsieur, excusez. >• — «Vous vous trompez, mon ami, re- pris-je ; j'étois du métier, mais je n'en suis plus ; je ne suis rien qu'un malheureux réfugié comme vous.» — «Tant pis» fut saseule réponse. Alors retroussant sous son chapeau quelques cheveux blancs qui passoient sous son bonnet , prenant d'une main son bâton , et de l'autre un verre à moitié vide de vin du Rhin , il me dit : « Mon officier, Dieu vous bénisse ! » Il partit après. Je ne sais pourquoi le tant pis et le Dieu vods bénisse de ce bon homme me sont restés dans la mémoire.

1 Je vais donc louer un clergé dans cet ouvrage phi-

osophique! J'avois un terrible besoin d'impartialité.

Nouv. Éd.

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