Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t1.djvu/108

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page a été validée par deux contributeurs.
44
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

premier vaisseau de la marine royale fût exclusivement composé de matelots de Saint-Malo et de son territoire.

En 1771, les Malouins renouvelèrent leur sacrifice et prêtèrent trente millions à Louis XV. Le fameux amiral Anson[1] descendit à Cancale, en 1758, et brûla Saint-Servan. Dans le château de Saint-Malo, La Chalotais écrivit sur du linge, avec un cure-dent, de l’eau et de la suie, les mémoires qui firent tant de bruit et dont personne ne se souvient[2]. Les événements effacent les événements ; inscriptions gravées sur d’autres inscriptions, ils font des pages de l’histoire des palimpsestes.

Saint-Malo fournissait les meilleurs matelots de notre marine ; on peut en voir le rôle général dans le volume in-folio publié en 1682 sous ce titre : Rôle général des officiers, mariniers et matelots de Saint-Malo. Il y a une Coutume de Saint-Malo, imprimée dans le recueil du Coutumier général. Les archives de la ville

  1. Anson (Georges), amiral anglais, né en 1697, mort en 1762.
  2. La Chalotais (Louis-René de Caradeuc de), procureur-général au Parlement de Bretagne, né à Rennes le 6 mars 1701, mort le 12 juillet 1785. — Le premier Mémoire, écrit sous le nom de M. de La Chalotais, et reconnu par lui comme son œuvre, se terminait par ces lignes : « Fait au château de Saint-Malo, 15 janvier 1766, écrit avec une plume faite d’un cure-dent, et de l’encre faite avec de la suie de cheminée, du vinaigre et du sucre, sur des papiers d’enveloppe de sucre et de chocolat. » La vérité est que La Chalotais, dans sa prison, avait tout ce qu’il faut pour écrire et qu’il écrivait par toutes les postes à sa famille. Voir, dans l’ouvrage de M. Henri Carré, La Chalotais et le duc d’Aiguillon (1893), la correspondance du chevalier de Fontette, commandant du château de Saint-Malo, et en particulier la lettre du 28 avril 1766.