Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t1.djvu/110

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page a été validée par deux contributeurs.
46
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Broussais[1] est également né à Saint-Malo, ainsi que mon noble ami, le comte de La Ferronnays[2].

Enfin, pour ne rien omettre, je rappellerai les dogues qui formaient la garnison de Saint-Malo : ils descendaient de ces chiens fameux, enfants de régiment dans les Gaules, et qui, selon Strabon, livraient avec leurs maîtres des batailles rangées aux Romains. Albert le Grand, religieux de l’ordre de Saint-Dominique, auteur aussi grave que le géographe grec, déclare qu’à Saint-Malo « la garde d’une place si importante était commise toutes les nuits à la fidélité de certains dogues qui faisaient bonne et sûre patrouille ». Ils furent condamnés à la peine capitale pour avoir eu le malheur de manger inconsidérément les jambes d’un gentilhomme ; ce qui a donné lieu de nos jours à la chanson : Bon voyage. On se moque de tout. On emprisonna les criminels ; l’un d’eux refusa de prendre la nourriture des mains de son gardien qui pleurait ; le noble animal se laissa mourir de faim : les chiens, comme les hommes, sont punis de leur fidélité. Au surplus, le Capitole était, de même

  1. François-Joseph-Victor Broussais (1772-1832). Comme son compatriote La Mettrie, mais avec plus d’éclat et de talent, il se montra, dans tous ses ouvrages, un ardent adversaire des doctrines psychologiques et spiritualistes.
  2. Pierre-Louis-Auguste Ferron, comte de La Ferronnays, né le 17 décembre 1772. Il émigra avec son père, lieutenant général des armées du roi, servit sous le prince de Condé et devint aide de camp du duc de Berry. Maréchal de camp (4 juin 1814) ; pair de France (17 août 1815) ; ministre à Copenhague en 1817 ; ambassadeur à Saint-Pétersbourg en 1819 ; ministre des Affaires étrangères du 4 janvier 1828 au 14 mai 1829 ; ambassadeur à Rome du mois de février au mois d’août 1830. Il mourut en cette ville le 17 janvier 1842, laissant une mémoire honorée de tous les partis.