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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

amendes en ancienne monnaie de cuivre, jusqu’à la valeur de deux moutons d’or à la couronne de 25 sols parisis chacun.

La foire appelée l’Angevine se tenait dans la prairie de l’Étang, le 4 septembre de chaque année, jour de ma naissance. Les vassaux étaient obligés de prendre les armes, ils venaient au château lever la bannière du seigneur ; de là ils se rendaient à la foire pour établir l’ordre et prêter force à la perception d’un péage dû aux comtes de Combourg par chaque tête de bétail, espèce de droit régalien. À cette époque, mon père tenait table ouverte. On ballait pendant trois jours : les maîtres dans la grande salle, au raclement d’un violon ; les vassaux, dans la Cour Verte, au nasillement d’une musette. On chantait, on poussait des huzzas, on tirait des arquebusades. Ces bruits se mêlaient aux mugissements des troupeaux de la foire ; la foule vaguait dans les jardins et les bois, et du moins une fois l’an, on voyait à Combourg quelque chose qui ressemblait à de la joie.

Ainsi, j’ai été placé assez singulièrement dans la vie pour avoir assisté aux courses de la Quintaine et à la proclamation des Droits de l’Homme ; pour avoir vu milice bourgeoise d’un village de Bretagne et la garde nationale de France, la bannière des seigneurs de Combourg et le drapeau de la révolution. Je suis comme le dernier témoin des mœurs féodales.

    étaient à cheval ; le baillif, juge du camp, examinait la lance, déclarait qu’il n’y avait ni fraude ni dol dans les armes : on pouvait courir trois fois contre le poteau, mais au troisième tour, si la lance n’était pas rompue, les gabeurs du tournoi champêtre accablaient de plaisanteries le joutier maladroit, qui payait un petit écu au seigneur. »