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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Déesse aimable à ma tristesse, verse ton froid repos dans mon âme ».


L’INNOCENCE.

« Fille du ciel, aimable innocence, si j’osais de quelques-uns de tes traits essayer une faible peinture, je dirais que tu tiens lieu de vertu à l’enfance, de sagesse au printemps de la vie, de beauté à la vieillesse et de bonheur à l’infortune ; qu’étrangère à nos erreurs, tu ne verses que des larmes pures, et que ton sourire n’a rien que de céleste. Belle innocence ! mais quoi ! les dangers t’environnent, l’envie t’adresse tous ses traits : trembleras-tu, modeste innocence ? chercheras-tu à te dérober aux périls qui te menacent ? Non, je te vois debout, endormie, la tête appuyée sur un autel. »


Mon frère accordait quelquefois de courts instants aux ermites de Combourg : Il avait coutume d’amener avec lui un jeune conseiller au parlement de Bretagne, M. de Malfilâtre[1], cousin de l’infortuné poète de ce nom. Je crois que Lucile, à son insu, avait ressenti une passion secrète pour cet ami de mon frère, et que cette passion étouffée était au fond de la mé-

  1. Malfilâtre (Alexandre-Henri de), né le 19 février 1757. Pourvu d’un office de conseiller non originaire au Parlement de Bretagne, par lettres du 3 mars 1785, il fut reçu le 3 mai suivant. Pendant l’émigration, il entra dans les ordres et mourut à Somers-town, près Londres, le 18 mars 1803. (Lucile de Chateaubriand et M. de Caud, par Frédéric Saulnier, p. 7.) M. Saulnier ajoute : « Il était, croyons-nous, d’origine normande, et peut-être parent du poète du même nom. Au xviiie siècle, il y avait des Malfilâtre aux environs de Falaise. »