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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

venu cachot pendant la Terreur. Délivrée de prison[1], elle se maria à M. de Caud, qui la laissa veuve au bout d’un an[2]. Au retour de mon émigration, je revis l’amie de mon enfance : je dirai comment elle disparut, quand il plut à Dieu de m’affliger.


Revenu de Montboissier, voici les dernières lignes que je trace dans mon ermitage ; il le faut abandonner

    mains, tu me fis promettre de ne m’en point séparer. Fidèle à ce cher engagement, j’ai tendu volontairement mes mains aux fers, et je suis entrée dans ces lieux destinés aux seules victimes vouées à la mort. »

  1. Lucile, madame de Farcy et leur jeune belle-sœur recouvrèrent la liberté après le 9 thermidor. Elles sortirent de la prison de la Motte le 15 brumaire an III (5 novembre 1794).
  2. Le mariage de Lucile et de M. de Caud eut lieu à Rennes le 15 thermidor an IV (2 août 1796). Le chevalier de Caud (Jacques-Louis-René), fils de Pierre-Julien Caud, sieur du Basbourg, avocat au Parlement, et de dame Jeanne-Rose Baconnière, était né à Rennes le 19 juin 1727. Sur l’État militaire de France pour l’année 1787, il figure avec les qualifications suivantes : « M. le chevalier de Caud, lieutenant-colonel, chevalier de Saint-Louis, commandant le bataillon de garnison du régiment de Monsieur (Troupes provinciales) ». Il était, à la même date, commandant pour S. M. des ville et château de Fougères. En 1796, il n’est plus, sur son acte de mariage, que « Jacques-Louis-René Decaud, vivant de son bien ». Le jour des épousailles, Lucile avait 31 ans ; M. de Caud était presque septuagénaire : il avait 69 ans passés. « Il laissa sa femme, dit Chateaubriand, veuve au bout d’un an. » Il fit même mieux : il la laissa veuve au bout de sept mois et demi. Le 26 ventôse an V (16 mars 1797), l’officier public de Rennes enregistrait le décès de « Jacques-Louis-René Decaud, vivant de son bien, âgé de soixante-dix ans, décédé en sa demeure, rue de Paris, ce matin, environ six heures. » Voir l’étude si intéressante et si complète de M. Frédéric Saulnier sur Lucile de Chateaubriand et M. de Caud. — M. Anatole France a commis une double erreur, dans sa Notice sur Lucile, page 35, en donnant pour date à son mariage « cette terrible année 1793 », et en disant qu’elle épousa « le comte de Caud ».