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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

cipal de la commune de Saint-Servan, élu officier public le quatre floréal dernier[1], sont comparus Jean Baslé, jardinier, et Joseph Boulin, journalier, lesquels m’ont déclaré qu’Apolline-Jeanne-Suzanne de Bedée, veuve de René-Auguste de Chateaubriand, est décédée au domicile de la citoyenne Gouyon, situé à La Ballue, en cette commune, ce jour, à une heure après-midi. D’après cette déclaration, dont je me suis assuré de la vérité, j’ai rédigé le présent acte, que Jean Baslé a seul signé avec moi, Joseph Boulin ayant déclaré ne le savoir faire, de ce interpellé.

« Fait en la maison commune lesdits jour et an. Signé : Jean Baslé et Bourdasse. »

Dans le premier extrait, l’ancienne société subsiste : M. de Chateaubriand est un haut et puissant seigneur, etc., etc. ; les témoins sont des gentilhommes et de notables bourgeois ; je rencontre parmi les signataires ce marquis de Monlouët, qui s’arrêtait l’hiver au château de Combourg, le curé Sévin, qui eut tant de peine à me croire l’auteur du Génie du Christianisme, hôtes fidèles de mon père jusqu’à sa dernière demeure. Mais mon père ne coucha pas longtemps dans son linceul : il en fut jeté hors quand on jeta la vieille France à la voirie.

Dans l’extrait mortuaire de ma mère, la terre roule sur d’autres pôles : nouveau monde, nouvelle ère ; le comput des années et les noms même des mois sont changés. Madame de Chateaubriand n’est plus qu’une pauvre femme qui obite au domicile de la citoyenne

  1. 23 avril 1798.