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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

un homme de bien et de mérite. Il était jeune alors, protégé de la reine, et sur le chemin de la fortune, où il est arrivé plus tard par une meilleure voie : la persécution.

Je me mis à genoux, en uniforme, l’épée au côté, aux pieds du prélat ; il me coupa deux ou trois cheveux sur le sommet de la tête ; cela s’appela tonsure, de laquelle je reçus lettres en bonnes formes[1]. Avec ces lettres, 200 000 livres de rentes pouvaient m’échoir, quand mes preuves de noblesse auraient été admises à Malte : abus, sans doute, dans l’ordre ecclésiastique, mais chose utile dans l’ordre politique de l’ancienne constitution. Ne valait-il pas mieux qu’une espèce de bénéfice militaire s’attachât à l’épée d’un soldat qu’à la mantille d’un abbé, lequel aurait mangé sa grasse prieurée sur les pavés de Paris ?

La cléricature, à moi conférée pour les raisons précédentes, a fait dire, par des biographes mal informés, que j’étais d’abord entré dans l’Église.

Ceci se passait en 1788[2]. J’avais des chevaux, je parcourais la campagne, ou je galopais le long des vagues, mes gémissantes et anciennes amies ; je descendais de cheval, et je me jouais avec elles ; toute la

    à Paris en l’an VIII, remit sa démission entre les mains de Pie VII, à l’occasion du Concordat, mais refusa toutes fonctions sous le Consulat et l’Empire. La première Restauration l’envoya comme ambassadeur à Rome, afin d’obtenir du Pape des modifications au Concordat de 1801. Nommé pair de France en 1816 et archevêque de Besançon en 1817, il mourut à Paris le 2 mai 1823.

  1. Voir l’Appendice No IX : la Cléricature de Chateaubriand.
  2. Cette date, comme toutes celles que donne Chateaubriand dans ses Mémoires, est exacte. Ceci se passait le 16 décembre 1788.

    Voir à l’Appendice précité.