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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

toutes les nouvelles illustrations de la France, et toutes les libertés des nouvelles mœurs. Le cordonnier, en uniforme d’officier de la garde nationale, prenait à genoux la mesure de votre pied ; le moine, qui le vendredi traînait sa robe noire ou blanche, portait le dimanche le chapeau rond et l’habit bourgeois ; le capucin, rasé, lisait le journal à la guinguette, et dans un cercle de femmes folles paraissait une religieuse gravement assise : c’était une tante ou une sœur mise à la porte de son monastère. La foule visitait ces couvents ouverts au monde, comme les voyageurs parcourent, à Grenade, les salles abandonnées de l’Alhambra, ou comme ils s’arrêtent à Tibur, sous les colonnes du temple de la Sibylle.

Du reste, force duels et amours, liaisons de prison et fraternité de politique, rendez-vous mystérieux parmi des ruines, sous un ciel serein, au milieu de la paix et de la poésie de la nature ; promenades écartées, silencieuses, solitaires, mêlées de serments éternels et de tendresses indéfinissables, au sourd fracas d’un monde qui fuyait, au bruit lointain d’une société croulante qui menaçait de sa chute ces félicités placées au pied des événements. Quand on s’était perdu de vue vingt-quatre heures, on n’était pas sûr de se retrouver jamais. Les uns s’engageaient dans les routes révolutionnaires, les autres méditaient la

    est du 21 floréal, jour de notre jugement à mort ; il m’a été délivré par la police municipale de Paris. » Dans le courant de l’année 1795, elle épousa, en secondes noces, François de Pange, l’ami d’André Chénier, qui la laissa veuve, pour la seconde fois, dans les premiers jours de septembre 1796. (Voir, en tête des Œuvres de François de Pange, la notice de M. L. Becq de Fouquières.)